Le traité de Troyes - 21 mai 1420

Archives Nationales

RegistreXin 8603 (Ordonnances royales) et registre JJ 171 (Trésor des Chartes)

Le texte est identique dans les deux registres.
On en parle beaucoup. On le voit rarement.
Voici son texte, dans son intégralité.

Mais auparavant, quelques points sont à remarquer :

Le dauphin est déshérité. Il est rejeté de l'héritage de France alors qu'il est le dernier fils vivant du roi Charles VI.

La cause officielle : les “grands crimes” qu'il a commis.

Ce point est illégal. Un roi ne peut déshériter son fils légitime.

Quelqu'en soit la raison.

Pourtant dans le traité on prend le prétexte de l'assassinat du duc Jean sans Peur. C'est un crime politique (qu'il ait été voulu, prémédité, ou accidentel...). Mais les crimes politiques échappent au droit commun. Les souverains sont la loi. On ne peut, en aucun cas, les juger comme n'importe quel particulier.

L'assassinat de Jean sans Peur ne peut donc être un motif valable pour retirer ses droits légitimes au dauphin.

 

Non, la seule raison valable serait que Charles soit reconnu illégitime...

Or, on a beaucoup parlé de bâtardise à son sujet. La reine Isabeau a eu une conduite assez contestable. Il était de notoriété publique qu'elle aimait la fête. Les contemporains se sont posés des questions, notamment au sujet de ses rapports avec le séduisant Louis d'Orléans...

Ce serait la seule raison incontestable de renier le jeune Charles...

Sauf que le traité n'aborde pas officiellement le sujet. A aucun moment, il n'y est dit, ou même suggéré, que Charles puisse ne pas être légitime. Même lorsqu'on le traite de “soi-disant dauphin du Viennois”. Cette façon de parler ne s'attaque pas à sa légitimité.

 

Donc, si la bâtardise est la raison du rejet du dauphin, on n'ose le dire officiellement. Le seul argument qui aurait donné un semblant de crédibilité au traité n'est pas utilisé. Le traité reste dans l'illégalité.

 

Et puis, même si Charles pouvait être rejeté (ou était mort), Henry ne peut devenir l'héritier de la couronne française. En effet, il y a d'autres héritiers légitimes.

 

Tout d'abord, les fils du jeune frère du roi Charles VI, Louis d'Orléans (le même qui fut assassiné en 1407 par Jean sans Peur).

Il a trois fils :

L'ainé est le poète Charles d'Orléans. Il est prisonnier en Angleterre depuis la bataille d'Azincourt (1415). De lui viendra une future branche royale (son fils sera le roi Louis XII qui prendra la suite du roi Charles VIII, mort sans descendance).

Son frère cadet Jean, est, lui aussi, prisonnier en Angleterre. Il sera l'ancêtre des Valois d'Angoulême (François Ier est son petit fils).

Il y a un jeune frère, Philippe, qui n'aura pas de descendance légitime.

 

Si la branche d'Orléans était épuisée (ce qui n'est pas le cas), il faut revenir aux frères du roi Charles V le Sage (père de Charles VI), et à leurs héritiers. Le roi Jean II le bon a eu quatre fils.

Charles V est l'ainé.

Le duc Louis d'Anjou est le deuxième. Ses descendants directs sont les fils de Yolande. Il y en a trois également : Louis, René et Charles.

Le duc de Berry, le troisième, n'a pas eu defils

Le quatrième est le duc de Bourgogne dont l'héritier est Philippe.

 

Au nom de quel droit Charles VI aurait-il pu donner la primeur à Henry sur les huit autres ?

 

Il aurait fallu rejeter la fameuse “loi Salique”, qui interdit aux femmes d'hériter de la couronne ou de la transmettre.

Sans cette loi, les filles de Charles VI pourraient devenir reines...

Catherine de France aurait pu offrir la couronne à son futur époux.

Dans le texte du traité, Henry est continuellement présenté comme le “fils” du roi de France. Comme s'il avait été adopté (mais il n'y a pas eu d'adoption réelle). Seul, son statut de gendre permet de le présenter ainsi.

 

Sauf que Catherine a plusieurs soeurs ainées qui auraient prééminence sur elle, dont les épouses du duc de Bretagne et de Philippe de Bourgogne.

 

Non, rien de tout cela ne se tient !

 

Quand aux soi-disant droits que les souverains anglais mettent en avant pour revendiquer la couronne de France, là encore, mis en echec par la contestable loi Salique, ils ont été interrompus par le changement de dynastie et le meurtre du roi anglais légitime Richard II par le père de Henry V.

 

Henry V n'a donc aucun droit personnel à la couronne de France.

 

D'ailleurs, le rejet officiel de la “loi Salique”, poserait bien des problèmes juridiques insurmontables.

 

LE TRAITE

Les passages que nous avons utilisés dans le Trône d'Argile III son soulignés.

 

Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, à perpetuele memoire. Combien que, pour reintégrer la paix et oster les discensions des royaumes de France et d'Angleterre , plusieurs notables et divers traictiez qui, ou temps passé, ont esté fais entre noz nobles progéniteurs de bonne mémoire et ceuls de très hault prince et nostre très chier fils Henry, roi d'Angleterre, héritier de France, et aussi entre nous et nostredit filz, n'ayent apporté le fruict de paix pour ce desiré, savoir faisons à tous présens et avenir que , neantmoins, nous, c onsiderans et pesans en nostre cuer quans grans et irreparables maulx , quantes enormitez et quele dolereuse playe universal et incurable la division des deux royaumes dessusdis a jusques cy mis et apporté , non pas tant seulement ausdis royaumes, mais à toute l'église militant, nous avons nagaires reprins traictié de paix avecques nostredit filz Henry, ouquel, à la parfin, après pluseurs collacions et parlemens des gens de nostre conseil, icellui, ottroyant et donnant effect à noz desirs, qui promet paix aux hommes de bonne voulenté, entre nous et nostredit filz à l'euvre de ladicte désirée paix est conclu et accordé en la manière qui s'ensuit :

 

  1. Premierement, que, pour ce que, par l'aliance du mariage fait, pour le bien de ladicte paix, entre nostredit filz, le Roy Henry, et nostre très chière et très amée fille, Katherine, il est devenu notre filz et de nostre très chière et très amée compaigne, la Royne , ycellui nostre filz nous aura et honnourera et nostre dicte compaigne comme père et mère , et ainsi comme il appartient honnourer telz et si grans prince et princesse et devant toutes personnes temporelles du monde.
  2. ITEM, que nostre dit filz, le Roy Henry, ne nous turbera, inquietera, ou empeschera que nous ne tenions et possedions, tant que nous vivrons, ainsi que nous tenons et possedons de présent, la couronne et dignité royal de France et les revenues, fruiz et provens d'iceulx, à la soustenance de nostre estat et des charges du royaume, et que nostredicte compaigne aussi ne tiegne, tant qu'elle vivra, estat et dignit& de Royne, selon la coustume dudit royaume, avecques partie desdictes rentes et revenues à elle convenable.
  3. ITEM, est accordé que nostredicte fille Katherine aura et prenra, ou royaume d'Angleterre, douaire, ainsi que les Roynes d'Angleterre ont, ou temps passé, acoustumé d'avoir et percevoir ; c'est assavoir, par chascun an, la somme de quarante mil escuz, desquelz les deux vallent tousjours un noble d'Angleterre.
  4. ITEM, est accordé que nostredit filz, le Roy Henry, par toutes voyes, moyens et manières qu'il pourra, sans transgression ou offense du serement par lui fait de observer les loiz, coustumes et droiz de sondit royaume d'Angleterre, labourera et pourverra que nostredicte fille Katherine, sa compaigne, le plus tost que faire se pourra, soit, en tout evenement, pleinement asseurée de percevoir et avoir en son dit royaume d'Angleterre, ou temps de son trespas, le douaire devant dit de quarante mil escuz annuelz, desquelz les deux valent tousjours un noble d'Angleterre.
  5. ITEM, est accordé que, s'il avenoit que nostre dicte fille seurvive à nostredit filz, le Roy Henry, elle percevra et aura, ou royaume de France, tantost après le trespas de nostredit filz, douaire de la somme de vingt mil frans par an, de et sur les terres, lieux et seignouries que tint et eust en douaire nostre très chière dame de bonne mémoire, Blanche, jadis femme de Phelippe de bonne mémoire, jadis Roy de France, nostre très redoubté seigneur et grant ayeul.
  6. ITEM, est accordé que, tantost après nostre trespas et dèslors en avant, la couronne et royaume de France, avecques tous leurs droiz et appartenances, demourront et seront perpetuelement de nostre filz le Roy Henry et de ses hoirs .
  7. ITEM, que, pour ce que nous sommes tenuz et empeschez le plus du temps, par celle manière que nous ne povons en nostre personne entendre ou vaquer à la disposicion des besongnes de nostre royaume, la faculté et exercice de gouverner et ordonner la chose publique dudit royaume seront et demourront, nostre vie durant, à nostre dit filz le Roy Henry, avecques le conseil des nobles et saiges à nous obéissans, qui auront amé le prouffit et honneur dudit royaume, par ainsi que, dès maintenant, et dès lors en avant, il puisse icelle régir et gouverner par lui mesme et par aultres qu'il vouldra députer, avec le conseil des nobles et saiges dessusdits ; lesquelz faculté et exercice de gouverner ainsi estant pardevers nostre dit filz, le Roy Henry, il labourera affectueusement, diligemment et loyaument à ce qui puist et doit estre à l'onneur de Dieu, de nous et de nostre compaigne, et aussi au bien publique dudit royaume, et à défendre, transquiller, appaisier et gouverner icellui royaume selon l'exigence de justice et équité, avecques le conseil et aide des grans seigneurs, barons et nobles dudit royaume.
  8. ITEM, que nostredit filz fera de son povoir que la court du parlement de France sera, en tous et chascun lieux subgez à nous, maintenant et ou temps avenir, observée et gardée ès auctorité et souveraineté d'elle et à elle deues en tous et chascuns lieux à nous subgietz, maintenant et ou temps avenir.
  9. ITEM, que nostre dit filz de son povoir défendra et conservera tous et chascuns pers, nobles, citez, villes, communitez et singulières personnes, à nous maintenant et ou temps avenir subjectes, en leurs droiz, coustumes, privilèges, prééminences, libertez et franchises à eulx appartenans, ou deuz, en tous les lieux subgez à nous, maintenant et ou temps avenir.
  10. ITEM, que nostredit filz diligemment et loyaument labourera et fera de son povoir que justice sera administrée oudit royaume selon les lois, coustumes et drois dudit royaume, sans accepcion de personnes, et conservera et tendra les subgez de nostredit royaume en pais et tranquillité, et de son povoir les gardera et défendra de violences et oppressions quelzconques.
  11. ITEM, est accordé que nostredit filz, le Roy Henry, pourverra et fera de son povoir que aux offices, tant de la justice de parlement que des bailliages, seneschaucées, prevostez et autres, appartenans au gouvernement de seignourie, et aussi à tous autres offices dudit royaume, seront prinses personnes habiles, prouffitables et ydoines, pour le bon, juste paisible et transquille régime dudit royaume et des administracions qui leur seront à commectre, et qu'ilz soient telz qu'ilz doivent estre députéz et rpins selon les loiz et droiz du royaume, et pour le prouffit de nous et de nostre royaume.
  12. ITEM, que nostredit filz labourera de son povoir, et le plus tost que faire se pourra prouffitablement, à mectre en nostre obéissance toutes et chascunes citez, villes, chastiaulx, lieux, pays et personnes dedens nostre royaume désobéissans à nous et rebelles, tenans la partie ou estans de la partie vulgaument appellée du Daulphin et d'Armignac.
  13. ITEM, afin que nostredit filz puisse faire exercer et accomplir les choses dessusdictes plus prouffitablement, seurement et franchement, il est accordé que les grans seigneurs, barons et nobles et les estas dudit royaume, tant spirituelz que temporelz, et aussi les citez et notables communitez, les citoiens et bourgeois des villes dudit royaume à nous obéissans pour le temps, feront les seremens qui s'ensuivent:

PREMIEREMENT à nostrezdit filz le Roy Henry, aiant la faculté et exercice de disposer et gouverner ladicte chose publique, et à ses commandemens et mandemens, en toutes choses concernans à l'exercice du gouvernement dudit royaume, et par toutes choses obéiront et entendront humblement et obéissamment.-

ITEM, que les choses qui sont et seront appoinctées et accordées entre nous et nostre dicte compaigne, la Royne, et nostredit filz, le Roy Henry, avecques le conseil de ceulz que nous et nostredicte compaigne et nostredict filz auront à ce commis, lesdis grans seigneurs, barons et estaz de nostredit royaume, tans spirituelz comme temporelz, et aussi les citez, notables communitez, les citoyens et bourgois des villes dudit royaume, en tant que à eulz et a chascun d'eulz pourra toucher, en tout et partout, bien et loyaument garderont et feront, de leur povoir, garder par tous autres quelzconques.

ITEM, que continuellement, dès nostre trespas et après icellui, ilz seront féaulz hommes liges à nostredit filz et de ses hoirs, et icellui nostre filz pour leur seigneur lige et souverain et vray Roy de France, sans aucune opposicion, contradiction ou difficulté, recevront et comme à tel obéiront, et que, après ces choses, jamais n'obéiront à autre que à nous, comme à Roy ou Régent le royaume de France, se non à nostredit filz le Roy Henry et à ses hoirs.

ITEM, qu'ils ne seront en conseil, aide ou consentement que nostredit filz, le Roi Henry, perde vie ou membre, ou soit prins de mauvaise prinse, ou qu'il seuffre dommage ou diminucion en personne, estat, honneur ou biens ; mais, se ilz scevent que aucune tele chose soit contre lui machinée, ou perforcée, ilz l'empescheront de leur povoir et lui feront savoir, le plus tost qu'ilz pourront, par eulz, messaiges ou lectres.

  1. ITEM, est accordé que toutes et chacunes conquestes qui se feront par nostredit filz, le Roy Henry, hors la duchié de Normandie, ou royaume de France, sur les désobéissans dessusdis, seront et se feront à nostre prouffit, et que nostre dit filz, de son povoir, fera que toutes et chacunes terres et seignouries estans ès lieux qui sont ainsi à conquérir, appartenans aux personnes à nous présentement obéissans, qui jureront garder ceste présente concorde, seront restituées auxdictes personnes à qui elles appartiennent.
  2. ITEM, est accordé que toutes et chascunes personnes ecclésiastiques, bénéficiez ou duchié de Normendie, ou autres lieux quelzconques, ou royaume de France, subgiez à nostre dit filz, à nous obéissans et favorisans la partie de nostre très chier et très amé filz le duc de Bourgogne, qui jureront garder ceste présente concorde, joyront paisiblement de leurs bénéfices ecclésiastiques estans ou dit duchié de Normandie, ou lieux devant diz.
  3. ITEM, que, semblablement, tous et chascunes personnes ecclésiatiques obéissans à nostredit filz, le Roy Henry, et bénéficiez ou royaume de France, ès lieux à nous subgiez, qui jureront garder cette présente concorde, joyront paisiblement de leurs bénéfices ecclésiastiques estans ès lieux devant diz.
  4. ITEM, que toutes et chascune églises, universitez, estudes généraulx, et aussi collèges d'estudians et autres collèges ecclésiastiques estans ès lieux à nous subgiez, présentement, ou pour le temps avenir ou en la duchié de Normandie, ou autres lieux du royaume de France, subgiez à nostredit filz le Roy Henry, joyront de leurs droiz et possessions, rentes, prérogatives, libertez, prééminences et franchises, à eulx, ou royaume de France, comment que ce soit appartenans ou deues, saufves les droiz de la couronne de France et de tous autres.
  5. ITEM, et quant il avendra que nostredit filz, le Roy Henry, venra à la couronne de France, la duchié de Normendie, et aussi les autres et chascun lieux par lui conquis ou royaume de France, seront soubz la jurusdicion, obéissance et monarchie de ladicte couronne de France.
  6. ITEM, est accordé que nostredit filz, le Roy Henry, de son povoir, se parforcera et fera que aux personnes à nous obéissans et favourisans la partie devant dicte, que on appelle de Bourgongne, ausquelles appartenoient seignouries, terres, revenues, ou possessions, en ladicte duchié de Normandie, ou autres lieux ou royaume de France, par icellui nostre filz, le Roy Henry, conquises, jà pieça par lui données, sera faicte, sans diminucion de la couronne de France, recompensacion par nous, ès lieux et terres acquises, ou à acquérir en nostre nom sur les rebelles et désobéissans à nous ; et se, en nostre vie, ladicte récompensacion n'est faicte aus dessusdis, nostredit filz, le Roy Henry, la fera ès dictes terres et biens, quant il sera venu à la couronne de France ; mais, se les terres, seignouries, rentes, ou possessions, qui appartenroient ausdictes personnes, esdiz duchié et lieux, n'avoient esté données par nostredit filz, lesdictes personnes seroient restituées à icelles sans délay.
  7. ITEM, que, durant nostre vie, en tous lieux, à nous présentement ou pour le temps avenir subgez, les lectres communes de justice, de dons d'offices, de bénéfices et d'autres donacions, pardons, ou rémissions et privilèges ; devront estre escriptes et procéder soubz nostre nom et seel. Toutesvoyes, pour ce que aucuns cas singuliers pourront avenir, qui par l'umain engin ne pevent pas tous estre préveuz, esquelz pourra estre nécessaire et convenable que nostredit filz, le Roy Henry, face escrire ses lectres ; en tel cas, se aucuns en aviennent, il sera loisible à nostredit filz, pour le bien et seurté de nous et du gouvernement à lui, comme dit est, appartenant, et pour éviter les périlz et dommages qui, autrement, pourraient vraisemblablement avenir, escrire ses lectres à nos subjiez, par lesquelles il commandera, défendra et mandera, de par nous et de par lui, comme Régent, selon la nature et qualité de la besongne.
  8. ITEM, que, de toute nostre vie, nostredit filz, Le Roy Henry, ne se nommera ou escrira aucunement, ou fera nommer ou escrire Roy de France, mais dudit nom de tout point se abstendra, tant comme nous vivrons.
  9. ITEM, est accordé que nous, durant nostre vie, nommerons,appellerons et escrirons nostredit filz, le Roy Henry, en langue françoise par ceste manière : “nostre très chier fils, Henry, Roy d'Angleterre, héritier de France” et, en loangue latine, par cette manière : “Noster precarissimus filius, Henricus, Rex Anglie, heres Francie”.
  10. ITEM, que nostredit filz ne imposera, ou fera imposer aucunes imposicions ou exactions à nos subgez, sans cause raisonnable et necessaire, ne autrement que pour le bien publique dudit royaume de France, et selon l'ordonnance et exigence des loys et coustumes raisonnables et approuvez dudit royaume.
  11. ITEM, et afin que concorde, paix et transquillité entre les royaumes de France et d'Angleterre soient, pour le temps avenir, perpetuellement observées, et que l'en obvie aux obstacles et commencemens par lesquelz, entre lesdis royaumes, debas, dissencions ou discors pourraient sourdre ou temps avenir, que Dieu ne vueille, il est accordé que nostredit filz labourera,par effect de son povoir, que, de l'adviz et consentement des trois estaz desdiz royaumes, ostez les obstacles en ceste partie, soit ordonné et pourveu, que, du temps que nostredit filz sera venu à la couronne de France, ou aucun de ses hoirs, les deux couronnes de France et d'Angleterre à tousjours mais, perpetuellement, demourront ensemble et seront à une mesme personne, c'est assavoir en la personne de nostredit filz, le Roy Henry, tant qu'il vivra, et de là en avant, , ès personnes de ses hoirs, qui successivement seront les uns après les autres ; et que les deux royaumes seront gouvernéz, depuis ce temps que, nostredit filz, ou aucun de ses hoirs, parvenra, ou parvenront ausdiz royaumes, non diviséement soubz divers Roys, pour ung mesme temps, mais soubz une mesme personne, qui sera, pour le temps,, Roy et seigneur souverain de l'un et de l'autre royaume, comme dit est ; en gardant toutesvoyes, en toutes autres choses, à l'un et à l'autre royaume ses droiz, libertéz et coustumes, usaiges et loix, non soubzmettant en quelque manière l'un desdiz royaumes à l'autre, ne les loix, droiz, coustumes ou usaiges de l'un d'iceulx royaumes aux droiz, loix, coustumes ou usaiges de l'autre.
  12. ITEM, que, dès maintenant, et à tous temps perpetuellement, se tairont, appaiseront et de tous poins cesseront toutes dissencions, haynes, rancunes, inimitiez et guerre d'entre lesdis royaumes de France et d'Angleterre et les peuples d'iceulx royaumes adhérens à ladicte concorde ; et entre les royaumes dessusdiz sera et aura vigueur dès maintenant, perpetuellement à tousjoursmais, paix, transquillité, concorde, affection mutuelle, amitiés fermes et estables ; et se aideront lesdis deux royaumes de leurs aides, conseilz et assistences mutuelles, contre toutes personnes qui à eulx ou à l'un d'eulx s'efforceroient de faire donner violence, injure, grief ou dommage ; et converseront et marchanderont ensemble les uns avecques les autres franchement et seurement, en payant les coustumes et devoirs deuz et acoustumez.
  13. ITEM, que tous les confédérez et aliez de nous et dudit royaume de France, et aussi les confédérez de nostredit filz, le Roy Henry, et dudit royaume d'Angleterre, qui, dedens huit mois après que ceste présente concorde de paix leur sera notifiée, ilz auront déclairé se vouloir fermement adhérer à ladicte concorde et estre comprins soubz le traictié et concorde d'icelle paix, soient comprins soubz les amitiéz et confederacions, seurté et concorde d'icelle paix, sauf toutesvoyes à l'une et à l'autre desdictes couronnes, à nous et à nos subgez, et aussi à nostredit filz, le Roy Henry, et à ses subgiez, ses actions, droiz et remèdes quelzconques convenables en ceste partie, et competans, en quelque manière que ce soit, envers lesdis aliez et confederez.
  14. ITEM, il est accordé que nostredit filz, le Roy Henry, avecques le conseil de nostre très chier filz Phelippe, duc de Bourgoigne, et des autres nobles du royaume, qu'il convendra et appartendra pour ce estre appellez, pourverra pour le gouvernement de nostre personne seurement, convenablement et honnestement, selon l'exigence de nostre estat et dignité royal, par telle manière que ce sera l'onneur de Dieu et de nous, et aussi du royaume de France et des subgez d'icellui ; et que toutes personnes, tant nobles comme autres, qui seront entour nous pour nostre personnel et domestique service, non pas seulement en offices, mais en autres mistères, seront telz qu'ilz auront esté nez ou royaume de France, ou des lieux de langage françois, bonnes personnes, sages, loiaulx et ydoines audit service.
  15. ITEM, que nous demourrons et résiderons personnelment en lieu notable de nostre obéissance, et non ailleurs.
  16. ITEM, considéré les orribles et énormes crimes et déliz perpetrez oudit royaume de France par Charles, soy disant Daulphin de Viennois, il est accordé que nous, ne nostredit filz, le Roy Henry, ne aussi nostre chier filz, Phelippe, duc de Bourgoigne, ne traicterons aucunement de paix ou de concorde avecques ledit Charles , ne ferons ou ferons traictier, senon du conseil et assentement de tous et chascun de nous trois et des trois estas des deux royaumes dessusdiz.
  17. ITEM, est accordé que nous, sur les choses dessusdictes et chacune d'icelles, oultre noz lectres patentes scelées de nostre grant seel, donrons et ferons donner et faire à nostredit filz, le Roy Henry, lectres patentes approbatoires et confirmatoires de nostredicte compaigne, de nostredit filz, Phelippe, duc de Bourgoigne, et des autres de nostre sang royal, des grans seigneurs, barons, citez et villes à nous obéissans, desquelz, en ceste partie, nostredit filz, le Roy Henry, vouldra avoir lectres de nous.
  18. ITEM, que semblablement nostredit filz, le Roy Henry, pour sa partie, oultre ses lectres patentes sur ces mesmes choses scellées de son grant seel, nous fera donner et faire lectres patentes approbatoires et confirmatoires de ses très chiers frères et des autres de son sang royal, des grans seigneurs, barons et des citez et villes à lui obéissans, desquelz, en ceste partie, nous vouldrions avoir lectres de nostredit filz, le Roy Henry.

Toutes lesquelles et chacunes choses dessus escriptes, nous, Charles, Roy de France dessusdit, pour nous et nos hoirs, en tant que pourra toucher nous et nosdis hoirs, sans dol, fraude ou malengin, avons promis et promectons, juré et jurons en parole de Roy, aux sainctes Evangiles de Dieu par nous corporelment touchées, faire ; accomplir et observer, et que icellesferons par noz subgez accomplir et observer, et aussi que nous, ne noz héritiers, ne venrons jamais au contraire des choses dessusdictes ou d'aucunes d'icelles en quelque manière, en jugement ou hors jugement, directement ou par oblique, ou par quelconque couleur exquise. Et, afin que ces choses soient fermes et estables perpetuelment et à tousjours, nous avons fait mestre notre seel à ces présentes lectres . Donné à Troyes, le XXIe jour du mois de may, l'an mil quatre cens et vint, et de nostre règne le quarantiesme. Ainsi signé, par le Roy, en son conseil. J. DE RINEL. Visa.

Lecta, publicata et registrata in curia ae jurata per existentes in camera parliamenti, penultima die maii, anno domini millesimo CCCC° vicesimo.

CLEMENS.

Collatio facta est cum originali.

 

Extrait du livre “Isabeau de Bavière”, Jean MARKALE, Bibliothèque Historique, PAYOT, Paris, 1982.